Passer l'hiver avec Olivier Adam ? C'est en parfaite adéquation avec ce temps glacial. Alors pourquoi pas... mais je préfère vous avertir : certaines scènes de ce recueil de nouvelles pourraient altérer votre bonne humeur et votre jovialité. Et bien sûr, toute ressemblance avec des personnes existantes (telles que le lecteur) n'est pas fortuite. En bref, on ne passe pas un moment d'une franche gaité, mais si on connaît un peu l'auteur, on sait à quoi s'attendre.
Pas joyeux, mais réaliste. Et peindre la réalité et le quotidien des gens normaux, des autres que "soi-même-l'écrivain-super-mal-que-je-suis-mais-qui-se-pavane-quand-même-ici-et-là", savoir en parler si justement et avec une telle sensiblité, ce n'est pas donné à tout le monde. Olivier Adam sait le faire sans misérabilisme, sans voyeurisme, sans hauteur ni mépris. Peut-être avec une certaine empathie et une tendresse qui émane de toutes ces nouvelles. Avec des mots justes, et une pudeur qui évite le pathos et le larmoyant. Les situations de chacune de ces nouvelles nous font penser à notre vie quotidienne : activité banale comme aller chercher de l'essence, devoir supporter un patron chiant, élever ses enfants, rentrer tard, s'endormir au volant de sa voiture, être dépassé par l'accumulation du travail, se sentir seul et avoir besoin de tendresse... Tout ça arrive. Ca ne constitue pas de grands événements, ça ne bouleverse pas l'ordre du monde. Ca ne bouleverse pas non plus sa propre vie, mais ça se passe ici et là dans les années 2000.
On retrouve les écorchés vifs propres à l'univers fictif de l'auteur : dans les neufs nouvelles que composent ce recueil, les personnages, qu'ils soient chauffeur de taxi, infirmière, caissières ou chômeur, sont tous au bord du gouffre, usés, brisés par la vie, à un point de non-retour, à un moment clé de leur vie où tout peut basculer. Avec en toile de fond la rigueur de l'hiver, le froid, la nuit. Tout est sombre. Mais ces personnages seuls crient (en silence, résignés qu'il sont) leur besoin d'affection et de tendresse... Malheureusement il est toujours un moment la solitude est trop présente et bien difficile à combler.
Ces fils de vie, décrits avec une telle justesse, m'ont beaucoup touchée, comme la plupart des livres d'Olivier Adam que j'ai lus. Mais je me suis faite une auto-prescription : le lire à dose homéopathique, tant l'atmosphère est pesante.
Un extrait de la nouvelle "Nouvel an", celle qui m'a le plus marquée - deux femmes qui passent la soirée du nouvel sur leur lieu de travail, une station service.
Les phares se sont éteints et pendant un moment, il ne s'est plus rien passé. On attendait comme des poires que quelqu'un entre. Je me suis approchée de la vitrine et il m'a semblé apercevoir une ombre dans la voiture, une masse noire recroquevillée sur le volant, quelqu'un avec la tête entre les bras. Pendant au moins cinq minutes, rien n'a bougé. Je suis restée à regarder la neige qui tombait en flocons énormes.
L'avis d'Irrégulière qui a également lu et apprécié ces nouvelles !
Ce recueil de nouvelles d'Olivier Adam marque ma première participation au challenge des saisons initié par Les mots de la fin.